" Il y avait là le Louvre, avec toutes ces claires choses de l'antiquité qui faisaient penser à des ciels du Sud et à la proximité de la mer, de lourds objets de pierre qui, venus de cultures immémoriales, dureraient encore en de lointains temps à venir. Il y avait des pierres qui dormaient, et l'on sentait qu'elles s'éveilleraient à quelque jugement dernier, des pierres qui n'avaient rien de mortel, et d'autres qui portaient un mouvement, un geste, demeurés frais comme si l'on ne devait les conserver ici que pour les donner un jour à un enfant quelconque qui passerait. Et cette vie n'était pas seulement dans les oeuvres célèbres et visibles de loin; les petites choses négligées, anonymes, superflues, n'étaient pas moins pleines de cette profonde et intime animation, de la riche et surprenante inquiétude de ce qui vit."
Rainer Maria RILKE, Prose - Auguste Rodin, éd. du Seuil ( trad. franç.,1966) .