5.5.10

Paris 1890 : Vente Piot à l'Hôtel Drouot

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Eugène Piot, archéologue, esthète collectionneur d'antiques et fondateur de la revue Cabinet de l'amateur, décède quelques mois avant la dispersion d'une partie de sa collection.


Cette vente d'antiquités de la collection Eugène Piot se déroule sur quatre jours, salle 8, au premier étage du fameux "Hôtel des commissaires-priseurs" ; Paris est alors le centre du marché des antiques. 

Ancien Hôtel des Ventes, Paris, 9 rue Drouot.

 Eugène Piot

L'auteur de la préface du catalogue est Wilhem Froehner, ancien conservateur du Louvre devenu "L'historiographe breveté des ventes d'antiques", pour reprendre la formule du célèbre chroniqueur Paul Eudel. Et voici ce qu'il écrit :
"M. Piot, qui n'aimait pas le Moyen Age, et qui appelait le goût des choses de la Renaissance un goût exquis, mais de second ordre, était un admirateur de l'art antique. Le génie grec l'avait effleuré d'un coup d'aile. C'est chez lui, rue Saint Fiacre, et plus tard dans sa retraite de la rue de Courcelles, que j'ai passé quelques-unes des heures les mieux employées de ma vie. Lorsqu'il se sentait disposé à parler de ses projets, ou à traiter une question qu'il avait étudiée particulièrement, on était sous le charme de sa voix modulée et lente. Je n'oublierai jamais ces après-midi de jeudi, où il recevait ses amis dans son petit salon, devant ses vitrines pleines de chefs-d'œuvre et ses armoires mystérieuses. On restait jusqu'à l'heure du thé, sans prendre garde au froid, car la cheminée ne tirait pas. Que de profondeur de vues ! que de sentiment du beau ! et quelle facilité d'ouvrir à la science et au goût des champs de culture inexplorés ! 
[...] Et sa collection ? J'en ai fait le catalogue sur le désir exprimé par M. Piot à notre ami M. Bonnaffé. Cette collection a un caractère spécial. Elle ne forme pas d'ensemble, n'a pas de séries cultivées de préférence à d'autres. Elle est l'œuvre d'un homme de goût et d'un curieux qui a visité tous les pays où des antiquités se trouvent, et qui a recueilli ce qui l'attirait ou l'intéressait. Le médiocre est exclu. Chaque objet se distingue par une qualité, et souvent par de grandes qualités. Ici, c'est la beauté qui domine ; là, c'est la passion de l'art archaïque qui perce, ou c'est le procédé de fabrication qui donne au moindre fragment son prix et son importance. Pour M. Piot, une collection était à la fois une source de jouissance et un enseignement. Il s'y formait l'œil, et son goût s'y rafraichissait par l'aspect journalier de quelques morceaux de choix, représentant tout un chapitre de l'histoire de l'art. C'est, du reste, le meilleur moyen de s'entretenir dans le culte du beau et de se compléter dans la connaissance des questions pratiques. Si la pièce capitale de son musée, la jambe de bronze, achetée à Naples en 1859 et vendue aux Anglais il y a trois ans, était encore ici, à côté du buste de Michel-Ange, on verrait que M. Piot n'avait pas besoin de sortir de chez lui pour placer ses admirations."
(W. Froehner, Préface du catalogue de la vente Piot, 27 - 30 mai 1890)